40 célébrités signent une tribune pour défendre l’accès aux corridas pour les enfants

« La présentation cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa d’exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine » (C. cinéma, art. L. 211-1, al. 1 et 2).

Quel est le rapport entre le cinéma et la tauromachie ? Vraisemblablement aucun, car s’il est possible de limiter le visionnage de certaines œuvres cinématographiques en fonction de l’âge de l’enfant, les corridas sont quant à elles accessibles aux plus jeunes. Nous expliquions ici que des enfants âgés de six ans pouvaient même mettre à mort leur premier taurillon, la Cour d’appel de Marseille estimant qu’il n’est pas établi que « l’enseignement dispensé […] serait contraire à l’intérêt supérieur de ces enfants » (Cour administrative d’appel de Marseille, 5èmechambre, 18 mars 2019, 17MA00676).

Le législateur estime donc nécessaire de protéger l’enfant d’images choquantes qui pourraient être aperçues au travers d’un écran, mais ne juge pas utile d’appliquer la même solution à un spectacle sans intermédiaire, où le sang n’est pas un accessoire créé de toute pièce.

En pratique, une responsabilité forte pèse sur les exploitants de salles cinématographiques, et « les décisions par lesquelles le ministre chargé du cinéma restreint, par une interdiction aux mineurs, l’autorisation de représenter un film […] produisent directement leurs effets » à leur égard (CE, 6 nov. 1981, « Lebon »). Les exploitants de salles sont en effet « responsables des conditions dans lesquelles les mineurs ont accès à leur établissement » (CE, 6 nov. 1981, « Lebon »).

Serait-il possible de transposer cette responsabilité aux personnes exploitant une arène accueillant des spectacles de tauromachie et, par extension, aux exploitants de gallodromes ? Rien d’impossible ici. C’est d’ailleurs ce que veulent certains députés LREM : ces derniers souhaitent déposer une proposition de loi visant à interdire aux mineurs de moins de seize ans d’assister aux corridas.

Philippe MICHEL-KLEISBAUER demandait en 2018, « sans qu’il soit utile d’en dire plus » (Assemblée Nationale, proposition de loi n°801 déposée le 21 mars 2018), l’interdiction totale de la corrida via la suppression du « septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal » (Assemblée Nationale, proposition de loi n°801 déposée le 21 mars 2018). Si cette demande n’a – pour l’instant – prospéré, peut-être la demande plus nuancée des députés LREM pourra trouver grâce aux yeux du législateur.

Cela ne se ferait pour autant pas sans heurt ni contestation. Des manifestations ont d’ores et déjà été organisées, notamment dans les landes (cf. manifestation organisée à DAX le 13 octobre 2019). Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées, originaire de cette région, soutient d’ailleurs que « les parents sont les seuls à même de savoir ce qu’ils doivent transmettre à leurs enfants et le faire en toute liberté » (www.francebleu.fr).

Fort heureusement, le législateur a – contrairement à ce que soutient Mme DARRIEUSSECQ – mis en place de nombreux moyens de protéger l’intérêt de l’enfant malgré ses parents. Ces derniers ne peuvent par exemple nommer leur enfant comme bon leur semble, et le juge rend ses décisions – notamment en matière de divorce – à l’aune de cet intérêt.

Aussi, comment est-il possible de soutenir que le fait de mettre à mort ou d’assister à la mise à mort d’un « être vivant doué de sensibilité » (C. civ., art. 515-14), auquel on reconnaît donc la capacité de souffrir, n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant ? Le droit positif peut alors paraître quelque peu schizophrène dans la mesure où il interdit à des mineurs de jouer à des jeux d’argent ou d’acheter de l’alcool mais rend tout à fait possible à des enfants de six ans de tuer un autre être. Comment l’un peut être contraire à son intérêt et l’autre non ? Comment cela peut-il être contraire à l’intérêt de l’enfant sur la majorité du territoire français et non partout ?

Voilà de nombreuses questions que soulève le droit tel qu’il est aujourd’hui en matière de tauromachie ou de combats de coqs. Il apparaît difficilement concevable qu’un enfant ne puisse regarder certains films d’horreur – où tout est faux ; mais puisse assister à une mise à mort en direct – quant à elle bien réelle.

Pourtant, 38 « personnalités » ont signé une tribune s’opposant à la proposition formulée par les députés LREM. »La corrida est un art et nul ne doit en être exclu » ; « L’enfant, comme l’adolescent, est doué d’intelligence, apte à l’émotion, sensible à l’héroïsme, disponible à la beauté, à la culture et à l’art. Vouloir lui épargner la complexité du réel, la violence et le sacré, c’est mépriser son devenir » (tribune – le Figaro).

Jean RENO, Pierre ARDITI, Charles BERLING, Philippe CAUBERE, et Denis PODALYDES souhaitent donc, tout comme les autres signataires, voir toutes les formes d’art ouvertes à tous. Il conviendrait donc de ne plus restreindre l’accès des mineurs aux films d’horreur ou pornographiques, si l’on en croit ces personnalités. Il ne faudrait en effet pas leur épargner la complexité du réel ou la violence.

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