Peut-être que les noms de Mévy ou de Maya ne vous sont pas inconnus… Ces animaux sont devenus de vrais symboles de la lutte contre l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques. Si Maya a connu une fin heureuse, il n’est malheureusement pas possible d’en dire autant de Mévy.
Cette tigresse de 18 mois était détenue par le cirque Bormann, alors installé dans le XVème arrondissement de Paris. Echappée de son enclos, elle aura pu profiter de ses seuls instants de liberté. Instants de liberté très courts. Elle a en effet été « neutralisée » par son propriétaire, manière plus timorée de dire que ce dernier l’a abattue à coups de fusil à pompe (sources : Le Monde, Le Parisien).
L’histoire de Maya prouve quant à elle à quel point la mobilisation peut faire des miracles. De nombreuses pétitions avaient circulé sur le web pour faire libérer Maya, une éléphante du cirque La Piste d’Or. Le nombre de signatures a rapidement grimpé, jusqu’à dépasser les 54.000 (Mes Opinions) ! Désormais, Maya coule des jours heureux dans un parc italien, grâce à l’action des associations One Voice (Maya : l’éléphante est libérée de son cirque) et Code animal (Code animal porte plainte contre le cirque La Piste d’Or pour mauvais traitements).
Bien qu’une imposante majorité de français souhaite l’interdiction de l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques (67% – sondage IFOP), les spectacles les présentant sont toujours autorisés. En 2011, un arrêté fixait les conditions de détention et d’utilisation des animaux vivants d’espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants. Cet arrêté dresse une liste des espèces et des « catégories » autorisées dans les cirques (nous assimilerons, dans le cadre de cet article, les notions de ‘spectacles itinérants’ et de ‘cirques’, bien que la première soit plus large que la seconde).
Une autorisation préfectorale doit toutefois être délivrée pour l’utilisation d’animaux sauvages dans les spectacles (Arrêté du 18 mars 2011, art. 1). Cette autorisation peut être donnée directement ou indirectement par la préfecture. En effet, « lorsqu’elle prévoit la réalisation de spectacles itinérants, l’autorisation d’ouverture des établissements […] vaut autorisation préfectorale [d’utilisation des animaux] » (Arrêté du 18 mars 2011, art. 2).
Les conditions de détention et d’utilisation des animaux sauvages dans les cirques sont donc encadrées, mais relativement floues. La liste mentionnée ci-dessus n’est par exemple pas limitative… En effet, « dans la mesure où l’exploitant de l’établissement démontre que l’hébergement et les conditions de présentation au public des animaux sont compatibles avec les dispositions du présent arrêté, l’autorisation [de détention] peut également être attribuée pour d’autres espèces » (Arrêté du 18 mars 2011, art. 3, II). Il ne semble donc y avoir aucune limitation quant aux espèces présentes dans les cirques.
Les seules dispositions de l’arrêté destinées à protéger l’animal et non l’être humain sont relatives à certaines interdictions. Plus précisément, « les animaux âgés qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent plus participer aux spectacles, sont placés, sous la responsabilité des exploitants, en retraite dans des établissements fixes » (Arrêté du 18 mars 2011, art. 9, II). De même, il n’est pas possible de faire participer aux spectacles des animaux dont l’état de santé ne le leur permet pas (Arrêté du 18 mars 2011, art. 9, IV), si le type de participation est susceptible de nuire à leur état de santé ou si la sécurité du public et du personnel ne peut être assurée (notamment en raison de l’insuffisance de leur maîtrise) (Arrêté du 18 mars 2011, art. 9, III).
Cette condition tenant à la maîtrise de l’animal semble pourtant quelque peu étonnante, si on la juxtapose aux dispositions du Code du travail. L’article L.7124-16 du Code précité dispose qu’il est interdit aux pères et mères exerçant la profession de montreur d’animaux « d’employer dans leurs représentations leurs enfants de moins de douze ans ». Il peut alors être difficile de considérer que la sécurité du public et du personnel puisse être correctement assurée lorsqu’un enfant de douze ans peut faire partie d’un spectacle avec des animaux aussi puissants que des fauves ou des éléphants.
Contrairement à celles mentionnées ci-avant, certaines conditions de détention posées par l’arrêté de mars 2011 sont particulièrement précises. Par exemple, concernant les macaques et babouins, l’annexe III, I ‘Mammifères’, de l’arrêté prescrit un « espace disponible pour les animaux d’au minimum 6 mètres carrés par animal (jusqu’à trois animaux ; au delà de trois animaux, 2 mètres carrés par animal supplémentaire). Les installations doivent avoir une hauteur minimale de 2,50 mètres ».
En pratique, le respect de ces dispositions est particulièrement compliqué à contrôler. Or, un dispositif sans possibilité concrète de contrôle peut ne pas se révéler aussi efficace que prévu. Nous ne plaçons d’ailleurs pas les exigences en matière de détention dans les ‘dispositions destinées à protéger l’animal’. Bien que l’objectif poursuivi soit sans aucun doute la protection des animaux, ces conditions (minimales) semblent bien trop faibles pour pouvoir assurer le bien-être de l’animal.
Le rapport présenté par Franck SCHRAFSTETTER, de l’association Code Animal (« Derrière les paillettes, le stress… » ; pour un aperçu global et complet de la question, nous vous conseillons fortement de le lire), dénonce notamment « une détention contraire aux besoins physiologiques ». Il énonce que pour assurer leur bien-être, il faut permettre aux animaux d’exprimer certains comportements, composant un répertoire comportemental propre à chaque espèce : gratter, courir, marquer son territoire, effectuer des actes de toilettage, prendre des bains de boue, créer des interactions sociales, etc. Il souligne enfin que « le caractère itinérant des cirques, qui implique des déplacements continuels, peut avoir des ‘conséquences extrêmement néfastes’ (Dr Harald SCHWAMMER, Dr Helmut PECHLANER, Hermann GSANDTER, Dr BUCHL-KRAMMERSTATTER : Guidelines for keeping wild animals in circuses, Vienne, 1996)« .
« Les animaux s’adaptent peu aux changements d’environnement. Dans les cirques, l’enfermement et le transport conduisent à des troubles du comportement facilement observables. Apathie, automutilation, agressivité à l’égard de l’homme et stéréotypies : autant de symptômes d’un mal-être chronique. Victimes d’une violence continue, ils souffrent et leurs comportements en sont la preuve » (Les animaux ne sont pas des clowns).
De nombreux dérapages achèvent la démonstration selon laquelle les animaux n’ont plus (pas) leur place dans les cirques. On pense notamment au mois de juillet 2007, témoin de l’accident d’Indra, qui avait chuté à 10m en contrebas de la RN12 mais aussi du retournement d’un camion transportant deux lionnes et un lion. Plus récemment, hors de nos frontières, un tigre s’est effondré en pleine représentation, victime d’une crise d’épilepsie. Le dompteur, sensé connaître ses bêtes et en avoir « la maîtrise », n’a pas su reconnaître les signes de la crise, et a tiré la tigresse par la queue, avant de la battre avec un bâton et de lui jeter un seau d’eau, sous les rires du public.
Pour changer les choses, la solution est simple : ne plus assister à des représentations de spectacles avec animaux sauvages (cela vaut également pour les animaux domestiques, grands oubliés de la lutte contre l’exploitation des animaux dans les cirques). Il n’y a d’offre que parce qu’il y a de la demande. On peut voir, grâce à Maya, que la mobilisation peut permettre d’obtenir des résultats étonnants voire inespérés.
Cette problématique semble être de plus en plus entendue. Les vidéos de dénonciation des mauvais traitements par les cirques fleurissent sur le net, et des alternatives plus responsables voient le jour. En France, André-Joseph BOUGLIONE et Sandrine BOUGLIONE sont à l’origine de la création du premier éco-cirque, 100% humain. Ces anciens dresseurs sont maintenant de fervents défenseurs de la cause animale.
Peut-être pourront-ils ouvrir les yeux d’autres futurs défenseurs ?