Vous pensiez que les foules brandissant fourches et piques étaient réservées aux contes moyenâgeux ? Une trentaine de personnes armées et menaçantes nous ont prouvé le contraire.
Le 14 septembre 2017, une foule en colère s’est filmée, fusil en main, proclamant l’ouverture de la chasse à l’ours. Cet incident n’est malheureusement pas le premier dans la saga Ours des Pyrénées. En août dernier, quatre agents de l’Office nationale chasse et faune sauvage (ONCFS) avaient été victimes de menaces. Ils avaient été visés par des tirs de carabine et les pneus de leurs véhicules avaient été crevés, alors qu’ils étaient venus s’assurer de l’origine ursine de certains dégâts.
Pourquoi tout ce remue ménage ? C’est la réintroduction de l’ours bruns des Pyrénées qui fait autant débat. Débutée dans les années 1990 par l’importation d’ours de Slovénie, la réintroduction de cette espèce menacée (classée en « danger critique d’extinction » par l’UICN) est fortement controversée.
Selon l’article L. 411-3 du code de l’environnement, des « plans nationaux d’action opérationnels pour la conservation ou le rétablissement des espèces » menacées doivent être mis en place. « Pour les espèces endémiques identifiées comme étant ‘en danger critique’ ou ‘en danger’ dans la liste rouge nationale des espèces menacées » de l’UICN, ces plans doivent être élaborés avant le 1er janvier 2020.
Le 16 mai 1996, la politique de réintégration de l’ours brun dans les Pyrénées a connu son premier succès. Malgré de fortes contestations, Ziva, une femelle ours, a été relâchée à Melles (commune de Haute-Garonne). Entre ce premier lâché et juin 2016, huit autres ours ont été remis en liberté dans les Pyrénées, que ce soit en France ou en Espagne.
Même si le débat opposant pro et anti-ours a toujours été houleux, il prend ces dernières semaines une tournure particulièrement animée. Le dernier éclat en date remonte à la semaine dernière : dans une vidéo adressée de façon anonyme à différents médias, une trentaine d’hommes cagoulés et armés s’insurgent contre la politique de l’Etat.
De nuit, des « montagnards d’Ariège, éleveurs, randonneurs, chasseurs, élus, citoyens » annoncent la réouverture de la chasse à l’ours. Ils projettent de « mener une résistance active face aux agents de l’Etat » (paroles tirées de la vidéo).
Bien que qualifiées de « simagrée d’organisation terroriste » par la Préfète de l’Ariège, il semblerait que ces menaces ne soient pas à prendre à la légère. En effet, la « résistance » a démarré cet été avec les menaces de mort proférées à l’encontre des quatre agents de l’ONCFS.
D’ailleurs, la Préfète Marie LAJUS a pris la décision de transmettre la vidéo au Procureur de la République. Elle dénonce « une dérive pathétique dans la violence et l’illégalité » (communiqué du 15 septembre 2017). Enfin, elle condamne fermement « cette nouvelle irruption de violence et d’usage des armes ».
Suite à la saisine par la Préfète, une enquête a été ouverte. Pour leur vidéo, ces hommes et femmes encourent jusqu’à 5 ans de prison et 75 000.00 euros d’amende, en plus d’une interdiction de détenir des armes. Toutefois, l’identification de ces personnes sera sûrement difficile pour les Autorités.
Bien trop facilement, certains sont prêts à franchir la frontière entre légalité et illégalité. Les sanctions ne dissuadent plus. Les gens sont prêts à tout. En atteste le procès en cours contre deux membres de l’association L214.
La réintroduction de l’ours des Pyrénées montre parfaitement la difficulté de concilier deux intérêts trop souvent opposés : la préservation d’espèces menacées et l’intérêt de l’Homme.