L’animal : un bien dénué d’abusus ?

« Les animaux sont des êtres doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens », article 515-14 du Code civil.

 Le Code civil ne laisse que peu de place au doute : bien que le distinguant du simple bien, l’animal reste soumis à un régime identique. Or, qu’est-ce qu’un bien ? Le bien est une chose appropriable (C. civ., art. 537), dont le propriétaire a la libre disposition. En d’autres termes, le propriétaire rassemble en ses mains les trois éléments caractéristiques de la propriété : l’usus, le fructus et l’abusus.

Si l’usus renvoie à la faculté d’user une chose, le fructus désigne quant à lui le droit de disposer des fruits d’une chose, de tirer profit du bien que l’on possède. Enfin, l’abusus signifie « utilisation jusqu’à épuisement » ou « consommation complète ». Ce terme est utilisé pour désigner « le droit pour le propriétaire de disposer [de son bien] par tous actes matériels ou juridiques de transformation, de consommation, de destruction, d’aliénation ou d’abandon » (G. CORNU : Vocabulaire juridique, 2012, p. 9).

En d’autres termes, l’abusus est une notion renvoyant à la capacité qu’a le propriétaire d’un bien de le détruire, de le dénaturer ou de l’abandonner. Faut-il déduire de l’article 515-14 du Code civil la possibilité pour le propriétaire d’un animal de le « détruire », le « dénaturer » ou l’ « abandonner » ?

C’est pour éviter une telle confusion que des limites claires sont posées : le régime des biens ne s’applique que sous réserve des lois qui protègent les animaux. Specilia generalibus derogant.

Or, le droit pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000.00 € d’amende le « fait d’exercer, publiquement ou non, des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal » (C. pén., art. 521-1, al. 1). Sont réservées les mêmes peines à l’abandon d’un animal (C. pén., art. 521-1, al. 7).

Ainsi, il est impossible pour le propriétaire d’un animal d’exercer librement les prérogatives normalement attachées à la propriété d’un bien : il ne peut ni le « dénaturer », ni l’abandonner. Il peut encore moins le tuer.

Toutefois, il convient de nuancer ces propos, car l’euthanasie d’un animal reste possible, bien que très encadrée. En effet, en France, l’euthanasie doit obligatoirement être pratiquée par un vétérinaire. De plus, il est possible de signer une déclaration d’abandon dans un refuge, qui décharge le propriétaire de toute responsabilité.

Malgré cela, il semblerait que l’animal puisse être assimilé à un bien auquel on aurait retiré l’abusus. En cela, il est comparable à un bien dont le propriétaire ne serait qu’usufruitier. Cela lui apporte une certaine sécurité, et le protège des mauvais traitements.

Toutefois, pour protéger au mieux les animaux, ne faudrait-il pas adopter un raisonnement plus proche de celui qu’a retenu le juge Maria Alejandra MAURICIO dans sa décision d’accorder la qualité de personne juridique non humaine à Cécilia, une femelle chimpanzé ? (EXPTE.NRO.P-72.254/15 ; Tercer juzgado de Garantias -Poder Judicial Mendoza, 3 nov. 2016)

Un pas semble avoir été fait avec la reconnaissance de la sensibilité des animaux en droit français en 2015 (amendement Glavany, loi n° 2015-177 du 16 fév. 2015).

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